Affiche du jeu vidéo Sable

Sable

Un jeu vidéo de Shedworks, sorti le 23 septembre 2021

Status: Joué entre le 3 et le 20 septembre 2025

Oriane

On voit facilement un jeu avec trop de mécaniques, trop de cinématiques, et on les relève à juste titre. Je vois rarement les critiques s'élever autour du fait qu'un jeu est surécrit. Et c'est un problème. C'est un problème parce que l'écriture, c'est plus que des petits paragraphes poétiques, qui veulent exprimer des sentiments universels censés toucher tout le monde. Non au contraire. Si les textes du jeu n'évoquent pas quelque chose de précis, de petit, de précieux, alors ils sont à l'image du monde sauce ouverte: grand mais vide, vaste mais vain. Quel est le rapport entre parcourir des étendues désertiques et lire qu'une voix est rocailleuse, suave ou chuinte, si ce n'est des métaphores maladroites façon exercice d'écriture, "mettez le vocabulaire du désert dans un jeu qui se passe dans le désert ?". Est-ce que tordre les dialogues pour servir un gameplay de ramassage d'objets et de quêtes à résoudre donne à lire quoi que ce soit qui ne soit pas simplement une fonction utilitariste, mécanique, du langage ? Pourquoi une fois les quêtes introduites et les récompenses obtenues, plus personne ne parle ? Pourquoi ces silences ? Pourquoi les gens, comme les rochers une fois gravis, n'ont plus rien à nous dire, si ce n'est un constat d'existence sur une feuille de game design, de game feel, de mood ? Qu'on pense seulement à un jeu comme Animal Crossing, qui n'est pas un open-world. Au contraire, c'est un petit monde tout fermé, tout petit, à peine une ville. Mais la vie qu'il y a là-dedans, elle pulse à toute heure, à chaque rencontre. Tout le monde a toujours quelque chose à nous dire, même si c'est pour dire des banalités. C'est ce qui manque à Sable, à son écriture. Les banalités. Les conversations du quotidien, les trois fois rien, les rumeurs sur le voisinage, les grandes envolées sur la météo. Quelque chose, autre chose que simplement nous expliquer comment réussir cette quête, et puis, plus rien. C'est aussi un jeu qui, à l'instar de beaucoup d'open worlds, pose vraiment la question, l'angoisse même, de ce que serait un design qui n'est pas aussi évident dans sa construction. Derrière chaque protubérance, chaque anomalie de terrain, on devine aisément qu'il y a une fonction derrière, un collectible, un objectif de quête. C'est un territoire qui n'existe pas pour lui-même. Comme dans Breath of the Wild, il existe avant tout pour nous, et uniquement pour nous. On ne voit personne le traverser, les PNJ ont des routines statiques dans leur ville, dans leur campement, mais personne ne dépasse, personne ne vit dans ce monde. Personne ne bouge, personne ne parle, personne n'existe. Tout le monde a un masque, car le visage est absent. Tout le monde porte un masque pour pouvoir fermer les yeux sur l'artificialité de ce monde et croire qu'il est vivant, simplement parce qu'on voit des yeux derrière les trous.